Sommaire :
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- Un exemple inspirant de gouvernance ouverte et responsable
- Un comité pas comme les autres
a) Composition et fonctionnement
- Trois décisions qui ont marqué la différence
b) Le cas du charbon
c) Le nucléaire et la dépollution
d) La raison d’être et la “performance plurielle”
- Un dispositif qui inspire
- Pourquoi cela fonctionne
- Structurer un advisory board dans un grand groupe : les clés
a) Définir l’intention stratégique
b) Choisir le bon sponsor interne
c) Formaliser la charte et le périmètre
d) Sélectionner des membres “fit for purpose”
e) Mesurer la valeur créée
Un exemple inspirant de gouvernance ouverte et responsable
Face aux enjeux environnementaux et sociétaux, Veolia a fait le choix, dès 2013, d’un dispositif rare : un Comité des “Critical Friends”, c’est-à-dire un cercle d’experts indépendants chargé de challenger la direction générale.
Derrière cette initiative : Antoine Frérot, alors PDG du groupe, convaincu que la transformation écologique devait s’accompagner d’un regard externe, libre et exigeant.
Antoine Frérot, président du conseil d'administration et Estelle Brachlianoff, directrice générale.
Un comité pas comme les autres
Le Comité des Critical Friends ne représente pas les parties prenantes ; il ne défend aucun intérêt particulier.
Son rôle : questionner les intuitions du COMEX, confronter les choix stratégiques et aider le groupe à tracer une voie cohérente entre croissance et responsabilité.
Composition et fonctionnement
12 membres externes, aux profils très variés, qui se réunissent à minima deux journées par an, précédées de visites de sites et de partages de documentation, avec une matinée de travail entre membres indépendants, puis l’après-midi avec la direction générale et le COMEX.
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Élément |
Description / Rôle |
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Nom |
Comité des Critical Friends |
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Création |
2013 – à l’initiative d’Antoine Frérot |
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Président |
Jean-Michel Sévérino (ex-AFD) |
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Pilotage |
Armelle Perrin-Guinot (Direction des engagements sociétaux) |
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Composition |
12 membres externes issus d’univers variés |
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Objectif |
Challenger la stratégie, éclairer les arbitrages, évaluer la cohérence RSE |
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Fréquence |
2 à 3 réunions par an (matinée fermée / après-midi avec COMEX) |
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Mode opératoire |
Liberté de ton, confidentialité, avis non contraignant mais suivi |
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Exemples d’impact |
Transition charbon, raison d’être, périmètre nucléaire |
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Valeur ajoutée |
Dialogue critique, innovation stratégique, légitimité externe |
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Enjeux clés pour la gouvernance |
Ouvrir la réflexion, gérer les controverses, incarner une entreprise “à l’écoute du monde” |
Trois décisions qui ont marqué la différence
1. Le cas du charbon
Quand Veolia opérait encore des réseaux de chaleur au charbon en Europe de l’Est, le débat faisait rage : vendre pour protéger son image ou accompagner la transition ?
Les Critical Friends ont exhorté l’entreprise à “ne pas être lâche” : ne pas céder les actifs sans garantir la transition énergétique de leurs repreneurs.
Résultat : adoption d’une stratégie de substitution progressive (gaz, biomasse, capture carbone), suivie annuellement.
2. Le nucléaire et la dépollution
Lors du lancement du pôle “démantèlement et traitement des déchets nucléaires”, le comité a joué un rôle clé dans la définition du périmètre d’action et de communication, évitant au groupe le risque d’être perçu comme “complice des pollueurs”.
3. La raison d’être et la “performance plurielle”
Les Critical Friends ont contribué à la formulation de la raison d’être de Veolia et à la mise en place d’une évaluation de la performance sur cinq dimensions : économique, sociale, environnementale, commerciale et sociétale.
Un dispositif qui inspire
Ce modèle hybride – entre think tank, comité d’éthique et advisory board – a inspiré d’autres grands groupes :
- Danone avec son Comité Mission,
- Unilever et son Sustainability Advisory Council,
- Google avec son AI Ethics Board,
- Airbus avec son Defence & Space Advisory Board.
Chacun adapte la structure à sa culture, mais tous partagent une conviction : la gouvernance de demain sera ouverte, pluraliste et responsable.
Pourquoi cela fonctionne
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Un périmètre clair : le comité ne décide pas, il éclaire.
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Une indépendance réelle : les membres n’ont ni lien contractuel ni intérêt direct.
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Un mandat utile : chaque session aborde un sujet stratégique, concret, préparé à l’avance.
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Une écoute au sommet : le COMEX et le Conseil d’administration tiennent compte de leurs recommandations.
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Une éthique du dialogue : pas de posture militante, mais une recherche sincère de solutions.
Structurer un advisory board dans un grand groupe : les clés
Créer un advisory board dans une organisation complexe exige une approche rigoureuse.
Voici les grandes étapes issues des meilleures pratiques internationales.
1. Définir l’intention stratégique
Quel est le besoin ?
- Challenger la stratégie RSE ?
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Éclairer une décision complexe ?
- Anticiper les impacts géopolitiques, climatiques ou technologiques ?
2. Choisir le bon sponsor interne
L’initiative peut venir du CEO, du COMEX, de la Direction RSE, de la DRH ou du Secrétariat Général.
L’essentiel : que le sponsor ait l’autorité et la légitimité pour écouter et agir.
3. Formaliser la charte et le périmètre
Fixer la fréquence, la durée, la confidentialité, la rémunération éventuelle et la méthode de restitution.
L’advisory board ne doit ni empiéter sur le Conseil d’administration, ni devenir une simple tribune.
4. Sélectionner des membres “fit for purpose”
Des experts indépendants, divers dans leurs expériences et leurs convictions, capables d’apporter un regard critique sans agenda caché.
Un “Chair” expérimenté garantit la qualité des échanges et la cohérence du dispositif.
5. Mesurer la valeur créée
L’impact d’un advisory board se mesure à sa capacité à :
- faire évoluer la posture des dirigeants ;
- enrichir la stratégie ;
- créer un avantage réputationnel durable ;
- renforcer la confiance des parties prenantes.

Roue de la performance plurielle avec et pour les parties prenantes

Levier de transformation
🔍 FAQ – Pour les responsables de gouvernance et de COMEX
Qui peut initier un advisory board ?
Le CEO ou le COMEX sont les plus légitimes. Mais de plus en plus de directions RSE, innovation ou RH en prennent l’initiative, avec validation de la direction générale.
Comment éviter qu’il devienne un “cercle d’influence” ?
En instaurant une charte d’éthique, une rotation des membres et une sélection sur la base de compétences, non de réseaux.
Faut-il communiquer sur son existence ?
Cela dépend du contexte. Certains boards sont confidentiels (pour préserver la liberté de parole), d’autres publics (pour incarner l’ouverture et la transparence).
Qui préside et anime le comité ?
Un Chair indépendant – interne ou externe – formé aux bonnes pratiques, garant de la neutralité et de la productivité des échanges.
Comment justifier son coût ?
Un advisory board réussi crée de la valeur immatérielle mesurable : clarification stratégique, réduction de risques, amélioration de la réputation et de la cohésion interne.
À retenir
“L’advisory board de Veolia illustre un principe simple :
dans un monde complexe, la force d’une entreprise tient autant à ce qu’elle écoute qu’à ce qu’elle décide.”
Sources :
Rapport Veolia 2024-2025
Article Ekopo
